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Vente aux enchères : la parole aux avocats spécialistes.
28 avril 2021 - Me FRÉDÉRIC PEYSSON

Interview par INFO 83 sur la pratique des procédures de saisie-immobilière et description des modalités d’acquisition d’un bien immobilier aux enchères.

INTERVENTION SUR INFO 83 - Me FRÉDÉRIC PEYSSON

Quels sont les différents types de Vente Aux Enchères ?

Il y a essentiellement 4 hypothèses qui permettent la vente aux enchères d’un bien immobilier.

  • La plus courante qui représente environ 80 % des cas est la vente aux enchères résultant d’une saisie immobilière.

Il s’agit de la situation dans laquelle un créancier, dans la très grande majorité des cas, un établissement bancaire qui a financé, par un prêt l’achat d’un bien immobilier appartenant au débiteur et qui est porteur de ce que l’on appelle un titre exécutoire c’est-à-dire un jugement de condamnation ou un acte authentique de prêt, n’obtient pas de son débiteur le paiement spontané de sa créance, l’exemple type c’est le prêt hypothécaire remboursable par mensualités, sachant que le débiteur est défaillant dans son remboursement.

Une procédure longue et complexe sera mise en place pour parvenir à la vente du bien.
  • La deuxième hypothèse concerne les biens qui se trouvent en indivision entre deux ou plusieurs personnes, c’est la situation de biens immobiliers dévolues par succession aux enfants, c’est la situation également fréquente d’époux divorcés qui vont se retrouver indivis d’un bien qu’ils avaient acquis durant leur mariage.

Dans ces hypothèses si l’un des coindivisaires refusent de participer à une vente amiable la loi a prévu une procédure là aussi également complexe, qui va permettre de sortir de cette indivision par la vente aux enchères du bien.

Cette vente est facilement reconnaissable pour ceux qui se sont déjà rendus aux enchères puisque très souvent la mise à prix est affectée d’une possibilité de baisse, ce qui est interdit dans la saisie immobilière, ce qui est un moyen facile de les distinguer.
  • Vente de bien appartenant à une personne en liquidation judiciaire.

Lorsqu’une personne physique ou morale est en liquidation judiciaire, il appartient au mandataire liquidateur qui la représente de vendre ses biens pour payer les créanciers.

Lorsqu’il y a des biens immobiliers, le mandataire peut avoir recours à une procédure spécifique qui va permettre de vendre ce bien aux enchères après autorisation donnée par un organe de la procédure, le Juge Commissaire.

Dans cette hypothèse également, il y aura la possibilité de baisse de mise à prix.
  • Enfin dernière hypothèse, la vente par l’Etat de biens de personnes décédées sans héritier ou avec des héritiers ayant renoncé à la succession.

Dans cette hypothèque l’Etat est désigné Curateur à Succession Vacante et dispose d’une procédure permettant rapidement la vente aux enchères du bien immobilier faisant partie de la succession.

Comment éviter la vente aux Enchères de ses biens ?

Tout d’abord, il convient de bien distinguer la possibilité de ralentir la procédure de vente de la possibilité de l’arrêter définitivement.

Si l’on souhaite l’arrêter, le plus simple et le plus sûr, c’est malheureusement de payer son créancier.

Ce paiement peut se faire sous réserve de justifier l’origine des fonds pour satisfaire aux exigences de Tracfin soit par des aides familiales, soit par un refinancement bancaire, ce qui est parfois compliqué car l’engagement d’une saisie immobilière a pour effet que le débiteur se trouve inscrit au fichier des incidents de paiement et ne peut plus recourir à un prêt.

La procédure de Saisie Immobilière prévoit une audience spécifique appelée audience d’orientation qui va permettre lors de celle-ci au débiteur d’espérer échapper à la vente aux enchères du bien.

Tout d’abord, il a la possibilité de solliciter du Juge la vente amiable du bien, c’est-à-dire une vente traditionnelle par devant un Notaire, en principe le Juge l’accorde sous réserve de justifier des mandats de vente confiés à des Agences Immobilières.

Toutefois cette vente amiable se fera au sein d’une saisie immobilière, c’est-à-dire qu’elle devra se faire dans un délai prévu par la loi et qu’à défaut le Juge constatant que cette vente n’a pas été régularisée renverra par Jugement la Vente à une Audience d’Adjudication où le bien sera donc vendu aux enchères.

Toujours à cette fameuse audience d’orientation le débiteur va pouvoir solliciter des délais de grâce en expliquant par exemple qu’il attend le financement provenant de la vente d’un autre bien que celui saisi et dont il est propriétaire.

Le Juge peut alors lui accorder des délais dans la limite de deux ans conformément aux dispositions des articles 1343 et suivants du code civil.

Ce délai n’est pas systématiquement accordé et il convient de monter un dossier très solide qui démontre la possibilité de régler le créancier dans le délai accordé par le Juge.

Toujours à l’audience d’orientation le débiteur va pouvoir avec l’aide d’un avocat contester le bienfondé de la saisie en démontrant avoir déjà payé la créance ou en démontrant que cette créance est prescrite ou que le bien immobilier n’est pas saisissable.

Les décisions de justice annulant les procédures de saisie-immobilière sont très peu fréquentes.

Enfin, dernier moyen d’arrêter une procédure de saisie-immobilière c’est d’obtenir, avant que la date d’adjudication des biens soit fixée par le Juge, une décision de recevabilité d’un dossier de surendettement, c’est-à-dire que la Banque de France, au vu du dossier déposé par le débiteur, estime que celui-ci se trouve dans une situation de surendettement et la décision de la Banque de France entraine immédiatement la suspension de la procédure de Saisie Immobilière jusqu’à ce qu’un plan d’apurement ait été négocié.

Qu’est-ce que la prescription biennale ?

La prescription biennale de l’ article L 218-2 du code de la Consommation s’applique dans les relations entre un établissement bancaire et son emprunteur, sachant que la très grande majorité des saisies immobilières sont engagées par des établissements bancaires aux fins de recouvrer le prêt qu’ils ont consenti pour financer l’acquisition d’un bien immobilier.

Cet article précise que “ l’action des professionnels pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.”

Petit rappel de la situation.

Rares sont les candidats à l’achat d’un bien immobilier disposant des fonds nécessaires au paiement intégral du prix de vente d’un bien immobilier.

Ils ont donc recours à des prêts hypothécaires qui vont être consentis par un établissement bancaire.

Ces prêts prévoient des modalités de remboursement qui sont classiquement des échéances mensuelles composées d’intérêts et d’une partie du capital.

L’emprunteur va rembourser par échéance mensuelle le plus souvent son prêt sur 10,15 ou 20 ans.

On dit que l’emprunteur bénéficie d’un paiement à terme.

Mais l’acte de prêt prévoit une clause dite “de déchéance de terme” qui permet à la Banque lorsque son emprunteur ne respecte pas le paiement ponctuel des échéances de son prêt, c’est à dire en clair, qu’il cesse le remboursement pendant plusieurs mois, de le déchoir du terme.

Cette déchéance intervient après une mise en demeure addressee par la Banque à son emprunteur afin qu’il règle les échéances impayées et en le menaçant qu’à défaut de réglement il deviendrait débiteur de la totalité du capital restant dû du prêt outre les échéances impayées.

C’est à dire qu’après cette déchéance prononcée par lettre recommandée de la banque, l’emprunteur devra rembourser les 100 000 € ou 200 000 € qu’il reste à devoir à la banque et il devra le faire immédiatement.

C’est la déchéance du terme qui permet la saisie Immobilier car l’emprunteur doit immédiatement une somme très importante.

Toutefois les banques répugnent à engager une procédure de saisie immobilière ou de la mener jusqu’à son terme et s’efforce le plus souvent possible d’éviter cette situation en revenant sur la déchéance du terme.

Or, les dispositions de l’article 218-2 du code de la consommation prévoient que si la banque n’a rien engagé dans les deux ans du dernier paiement effectué par le débiteur, sa créance est prescrite et elle ne peut la recouvrer contre ce dernier.

Toutefois, si pendant ce délai de deux ans le débiteur vient par un courrier reconnaitre sa dette ou effectuer quelques règlements cela est assimilé à une reconnaissance de dette qui va interrompre la prescription.

Cette prescription est soulevée à l’audience d’orientation par l’avocat du débiteur.